Une simple photo suffit pour découvrir l’âge réel de notre corps. Il ne s’agit pas de l’âge chronologique, c’est-à-dire celui inscrit sur notre carte d’identité, mais de l’âge biologique, qui indique à quelle vitesse nous vieillissons. C’est la promesse de FaceAge, un algorithme de deep learning décrit dans la revue The Lancet Digital Health. Entraîné sur des dizaines de milliers d’images, le logiciel géré par l’intelligence artificielle traduit les traits du visage en un nombre d’années qui reflète l’état de santé général.
Premiers tests. Lors d’essais cliniques, FaceAge a révélé que les patients atteints d’un cancer semblent biologiquement plus âgés d’environ cinq ans que leurs homologues en bonne santé. Mais quelle est l’utilité de cette information ? Selon les auteurs, un tel outil pourrait aider les médecins à prendre des décisions cruciales, par exemple s’il faut opter pour des thérapies agressives ou choisir des traitements plus légers.
La différence entre l’âge chronologique et l’âge biologique pourrait en effet changer radicalement l’approche de traitements complexes tels que la radiothérapie, la chimiothérapie ou les interventions chirurgicales délicates, en favorisant un modèle de médecine plus personnalisé.
Œil numérique. Le programme a été créé pour affiner ce que les médecins appellent le « test de l’œil », c’est-à-dire l’évaluation à l’œil nu de l’état de santé d’une personne. Le nouvel algorithme offre toutefois une approche plus objective et précise, capable de saisir des détails qui échappent souvent à l’œil humain.
Le système a été entraîné sur plus de 58 000 portraits d’adultes de plus de 60 ans en bonne santé, puis testé sur près de 6 000 patients atteints de cancer traités aux États-Unis et aux Pays-Bas. Les résultats montrent que les personnes dont l’âge biologique était supérieur à 85 ans, même si elles étaient chronologiquement plus jeunes, avaient des perspectives de survie plus faibles. Et il ne s’agit pas seulement d’une photographie de l’état actuel : l’algorithme s’est révélé capable de prédire avec une précision surprenante le risque de mortalité dans les six mois, surpassant les capacités prédictives de huit médecins experts appelés à évaluer les mêmes images.
Le revers de la médaille. Comme de nombreuses applications récemment introduites dans le domaine médical, FaceAge soulève également des questions éthiques. Si, d’une part, il peut devenir un outil précieux pour les oncologues, les cardiologues ou les gériatres, d’autre part, il pourrait intéresser les compagnies d’assurance ou les employeurs à la recherche de méthodes pour évaluer les risques liés à la santé.
Les développeurs affirment avoir vérifié que le système ne présente pas de préjugés raciaux – l’un des points les plus controversés dans l’utilisation de l’IA – mais ils s’efforcent déjà d’élaborer une version plus avancée, entraînée sur 20 000 patients supplémentaires, afin de renforcer la précision des prévisions.
Parallèlement, ils explorent les variables susceptibles de tromper l’algorithme, telles que le maquillage épais, la chirurgie esthétique ou les conditions d’éclairage artificiel, qui pourraient altérer la perception des traits physiques et induire la machine en erreur.
ScienceL’intelligence artificielle est capable de lire un électrocardiogramme et de vous sauver la vie à l’hôpital
Miroir sans pitié. Enfin, il y a la question psychologique. Savoir que son corps vieillit plus vite que prévu pourrait inciter à changer de mode de vie, mais aussi générer de l’anxiété ou de la dépression. Les chercheurs soulignent qu’un tel outil doit être utilisé avec prudence et toujours sous la supervision d’un personnel médical qualifié. Pour faire face à ces scénarios, dans le cadre d’une étude scientifique visant à collecter des données supplémentaires, un portail ouvert au public est en cours de conception, où il sera possible de télécharger un selfie et de recevoir une évaluation. Les versions commerciales à usage clinique, en revanche, ne seront disponibles qu’après des validations et des contrôles rigoureux supplémentaires.
En attendant, FaceAge a déjà fait ses preuves avec un visage célèbre : celui de l’acteur Paul Rudd, estimé biologiquement à 43 ans sur une photo prise lorsqu’il en avait 50, ce qui donne une idée de la façon dont cette technologie pourrait facilement devenir un phénomène pop destiné à faire débat, dépassant le domaine médical.